Je vous partage ci-dessous l’avant-propos de mon manuscrit d’habilitation à diriger les recherches obtenue en 2015.
« Lumière(s) sur le magnétisme moléculaire ». Le titre de cette habilitation peut paraître prétentieux, j’en conviens. Pourtant loin de moi l’idée d’éclairer les différents aspects de cette thématique riche de dizaines d’années de recherche, d’autres sont bien plus qualifiés pour le faire. Cependant, l’ambition de ce manuscrit est multiple. Tout d’abord présenter les grandes lignes de mes activités de recherche menées dans le domaine du magnétisme moléculaire. En effet, depuis 1998, date de mon premier stage de recherche, j’ai travaillé dans différents laboratoires en Europe, sur des sujets qui m’ont permis d’éclairer quelques pièces du puzzle de ce domaine pluridisciplinaire. L’habilitation à diriger les recherches est une occasion unique de présenter ce que l’on a compris de chacune de ces pièces et du puzzle que l’on entrevoit. C’est cet éclairage qui sera résumé dans ce manuscrit.
Mais ce titre est également une orientation de recherche précise qui concerne l’interaction entre la lumière et le magnétisme dans les matériaux moléculaires. Cette interaction, je l’ai abordée à plusieurs reprises durant mon parcours et elle constitue maintenant le cœur de mon activité autour des matériaux moléculaires à conversion de spin. C’est donc un titre qui peut être lu de plusieurs façons car la lumière nous sert à voir, mais aussi à manipuler les objets, à influer sur leurs comportements.
Dès lors que l’on parle de comportement, nous pouvons parler de sociologie. Nous regardons le comportement d’individus (électrons), avec une force de caractère et une destinée variables (anisotropie), dans un environnement plus ou moins contraignant en terme d’interactions avec les autres voisins (interaction magnétique, élastique) ou de pression extérieure (stress de chaleur, de pression, de lumière…). C’est tout cela qui est étudié.
Au départ il y a un individu, seul. Cet individu a ses propres caractéristiques. Il est plus ou moins grand, fort, volontaire, certains pourraient dire avec un destin plus ou moins affirmé, d’autres que cela n’est qu’un effet de l’environnement dans lequel il évolue. L’éternel débat entre l’inné et l’acquis. Cet environnement, proche ou plus lointain, conditionne un certain nombre de comportements. Cette influence affecte trois principaux facteurs : l’humeur, l’expression de la destinée ou de la volonté d’avancer vers un but précis et enfin l’interaction de l’individu avec les autres individus. Il apparait également évident que ces trois facteurs fonctionnent ensemble.
Un individu de bonne humeur interagira plus facilement avec les autres individus, participera à des démarches collectives, rencontrera des personnes qui pourront aider ou desservir l’atteinte des objectifs… De même, l’humeur est une information qui peut affecter une relation de couple, la développer ou la dégrader. C’est une information qui peut inciter ou inhiber les échanges. C’est aussi un état qui peut modifier la perception qu’a l’individu de son environnement, une journée ensoleillée étant plus propice à la bonne humeur d’une journée pluvieuse et grisâtre par exemple, ou une atmosphère de travail détendue permet plus de sérénité qu’un travail sous pression permanente. La certitude d’un individu de la voie qu’il veut suivre, de son « destin » va également influencer la façon dont il va interagir avec le monde et en tirer profit ou pas.
C’est tout cela le magnétisme moléculaire.
L’individu c’est un spin, S. Sa valeur est déterminée par son environnement immédiat (champ de ligand) et son anisotropie (D, destin, direction) est à la fois intrinsèque à l’individu et influencée par l’extérieur. L’humeur c’est la possibilité pour certains systèmes de changer leur spin en fonction de l’environnement extérieur. C’est la conversion de spin (SCO) sous l’effet de la température, la lumière, la pression, etc… Les interactions avec les autres spins peuvent être de plusieurs natures. Entre deux individus, il peut y avoir des affinités magnétiques, J, (ferromagnétisme) ou des oppositions (antiferromagnétisme). Dans les deux cas, ces échanges peuvent aider à l’expression de l’anisotropie des spins ou au contraire l’inhiber. De même, l’état de spin peut ou non influer sur l’anisotropie et modifier totalement les propriétés magnétiques. Au niveau social et collectif, l’humeur et donc l’état de spin, peuvent diffuser, inspirer les autres et se propager à la collectivité. C’est la coopérativité d’une transition gouvernée par des interactions élastiques, cette coopérativité pouvant influencer en retour l’humeur de l’individu.
La figure ci-dessous résume les différents aspects de l’individu/spin en fonction de l’environnement local ou extérieur.
Le magnétisme moléculaire c’est l’utilisation d’une approche moléculaire pour concevoir, créer et étudier de nouvelles classes de matériaux magnétiques aux propriétés ajustables et commutables. L’approche moléculaire permet de contrôler l’environnement local (champ de ligand, distorsion, liaisons faibles, empilement cristallin…), pour ajuster les propriétés du matériau (conversion de spin, molécules aimants…) et les commuter par l’application d’une perturbation extérieure.
Quand j’ai commencé la rédaction de ce manuscrit en 2015, je venais de changer de bureau en prenant la direction d’une équipe de recherche. En face de moi, se tenait une petite statuette. Un bouddha voyageur, baluchon sur le dos et large sourire. C’est une figure typique symbolisant l’arrivée du bouddhisme en Chine via la route de la soie. Tout en rondeur, il est bon vivant et transporte avec lui les symboles d’une vie de bonheur, de fortune, de santé, d’espérance, de sérénité, de force.
Debout en face de moi, il se mit à me parler, à me questionner de son large sourire sur les voyages que j’avais effectués. S’instaura un dialogue sur nos voyages respectifs, autant d’étapes sur la route de la Vie. Je vais retranscrire ici la partie concernant mon voyage dans le monde de la science, sous forme de dialogue.
Pour les curieux, vous pouvez trouver la majorité de mes publications scientifiques ouvertes sur le site HAL et même certaines conférences.